mardi 28 août 2012

Sensation Chapitre 3 (Par Aliza)


Il se tut, plus un son, plus un mot; un silence de plomb règne  comme une chape sur ce décor de désastre. J'essaye  de contrôler les pulsations de mon corps, mes battements de cœur ont envahi chaque parcelle de mon être. Les pleurs m'étouffent mais restent au fond de mon larynx, je suis comme un enfant perdu, malheureux, impuissant. C'est un cauchemar! Je vais me réveiller, c'est certain; le réveil va sonner, je tournerai la tête, le visage de ma compagne sera près de moi, comme chaque matin j'aurai envie d'elle mais je la laisserai dormir, je…  Le réveil ne sonne pas, ma compagne n'est pas là. Ma peur se réanime, j'ai envie de hurler, rien ne sort de ma gorge, j'hurle en silence.

Une sensation étrange. Étrange, inconnue, glaçante, douloureuse. Mon corps se divise en deux parties verticales, de la tête aux pieds, une division tout à fait nette, sans bavures. Je sens et je vois. Les deux hémisphères de mon cerveau sont séparés, une partie de moi à gauche, l'autre à droite, en même temps qu'un tremblement se saisit de l'ensemble. C'est alors que je remarque celui qui se dit être ma conscience, il rit aux éclats. Il me regarde souffrir et il se bidonne, il se marre, il se gondole. Et une seconde plus tard il redevient sérieux, bien plus méchant qu'il ne l'a été jusqu'ici,  son regard est cruel, sa voix devient rude.


-Ca calme un épisode pareil! Ca réveille n'est-ce pas? Ca te ramène ici dans la cabane; ne crois pas qu'il te soit possible de t'enfuir. Même si tu décides de m'abandonner ici, de m'ignorer complètement, même si je te laisse partir, tu ne seras plus jamais le même. Tu m'entends? Plus jamais tu ne retrouveras ta petite vie d'antan.

Je l'entends mais je ne l'écoute pas; je suis préoccupé à réunir mes cellules cérébrales avant qu'elles ne se dispersent dans l'espace. Je crois percevoir que mes hémisphères s'attirent, que mon corps se réintègre, je me calme un peu. Je suis las, si las. Un épuisement extrême, j'ai besoin de dormir… je ne sens plus rien.

Lorsque j'ouvre les yeux, s'est-il passé une minute ou une heure, je suis toujours dans la cabane, la voix est toujours là, je ne la distingue pas vraiment et pourtant je la perçois, je la visualise. Elle s'est radoucie me semble-t-il. Je sais vaguement qu'elle est ma conscience.

  -Je suis là, me dit-elle, te souviens-tu de ce qu'il t'est arrivé ici même il y a un moment ?

-Non, absolument pas, il m'est arrivé quelque chose? Je sais seulement que j'ai la trouille, que mes copains, ces salopards, se sont enfuis… et que vous, toi, vous? Enfin toi tu es ma conscience.  Mais qu'est ce que ça veut dire ma conscience? Es-tu celle que j'ai perdue? Parce qu'il est vrai que je la perds de temps en temps, je m'évanouis facilement. Es-tu celle qui a des scrupules, ou qui n'en a pas? Celle qui a une morale? Mais qui es-tu et que veux-tu de moi, nom de Dieu!  

-Ne blasphème pas,  ici, dans cette cabane que tu as bien connue par le passé, on n'insulte pas, on ne parjure pas? Et surtout pas les Dieux. Mais tu as vu juste, je suis ta conscience dans son entité, dans sa complexité, dans sa supériorité. Malheureusement j'ai des supérieurs et des subalternes qui nous compliquent la vie à tous deux. Surtout les inférieurs, notamment l'un d'eux qui n'en fait qu'à sa tête et qui devrait te faire rougir.

  -Mais de quoi parles-tu? Je ne comprends rien à ce que tu me racontes…

   -Et toi tu ne te souviens de rien de ce qui s'est passé ici même dans cette cabane il y a des années?


-  … … …


-ET que tu m'as abandonnée,  délaissée, inhibée, interdit de séjour, tu ne te souviens pas non plus? C'est ce que je vois, mais plus pour longtemps maintenant. Ouvre grand tes yeux, observe minutieusement l'endroit où nous sommes; oui je sais les contours sont flous, ce que tu as vu lors de ton arrivée a pratiquement disparu mais regarde bien autour de toi. Ta vérité essentielle est ici, dans cette pièce.


 -Ma vérité essentielle? Mais quelle vérité?

-Tais-toi, ferme la une fois pour toutes, ne te crois pas plus fin que moi.

L'angoisse qui m'avait laissé un peu de répit se réveille et me mord le ventre. Je ne sais pourquoi, je baisse les yeux et c'est à cet instant précis, juste devant moi sur un plancher dégueulasse, que je vois une tache de sang. D'abord petite, très peu importante, mais qui s'agrandit, s'élargit de plus en plus, devient plus profonde. Une mare de sang d'un rouge effrayant! Et je sais que je ne rêve pas.


1 commentaire:

  1. DU SANG !!! OH là là... mais ça va saigner alors !!! De la conscience au crime ??? Bravo, j'adore cette nouvelle étape :-)))

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