lundi 19 novembre 2012

Régénération Chapitre 13 (Lanto)

RÉGÉNÉRATION


Son rire caverneux résonne niaisement. Inextinguible. Accompagné d’un tourbillon de noirceur qui me vrille le crâne. Je voudrais ne pas l’entendre mais il s’approche. Il me souffle au visage son haleine violente et corrompue. Le maelström se fait voile, m’enserre tel un cocon. Je me tétanise littéralement. Mes jambes ne répondent plus. Mes yeux ne voient plus. Je ne perçois sous mes paupières qu’une aveuglante lumière sombre. Qui croît tandis que je me sens léviter peu à peu. Impossible de lui résister. Impossible d’émettre le moindre son. Je me mets à hurler désespérément dans ma tête que je ne suis pas un lâche, que je renie son héritage. Les lâches ? Non ! Hurler que je ne serai pas lâche.

Il rit de plus belle. Faisant trembler la cabane toute entière. Ou ce qu’il en reste. Existe-t-elle seulement encore ?

-         Hahaha ! Que crois-tu ? Que tu as sauvé ta belle ? L’heure est venue, mon fils, et tu ne pourras te soustraire à ton destin.

« Je refuse ! Je refuse de me soumettre ! Jamais, je te jure, moi vivant, jamais je ne me laisserai faire ! » Mes mots ne passent pas mon larynx. Ils résonnent, essaient de forcer les parois de ma mâchoire, en vain. M’étranglent.

-         Toi vivant ? C’est ce que tu crois ? Mais tu n’as pas le choix. Tu n’as plus le choix ! Tu crois vraiment que c’est toi qui l’as sauvée ? Que ta faible volonté de bâtard est suffisante pour la mettre à l’abri. Elle porte mon petit-fils, que tu le veuilles ou non, cette fois-ci, MA volonté sera. Hahaha !

Il tourne autour de moi à une vitesse vertigineuse. Je ne le vois pas, je le sens. Glacé et brûlant à la fois.

« Sarah, ma chérie. Il faut que tu sois forte. Il faut que tu résistes. Si tu m’entends, ma Sarah. »

Dans mon désespoir, j’essaie de connecter le lien qui nous unit. Je serre les dents. Je ne sens même plus sa présence. Je me concentre pour qu’elle m’entende. Est-il possible qu’il ait réussi à la soumettre ? Je sens confusément que le lien est rompu. Pourtant je perçois une présence. Timide, lointaine. Un murmure à peine audible qui semble ricocher contre la cuirasse maléfique qui m’encombre et s’évanouit aussitôt. Tentative de communication qui se fait ? Est-ce elle ? Je n’en ai pas l’impression. Me concentrer. Oublier le rire sardonique qui se fait de plus en plus prégnant. Oublier.

« Sarah ! »

-         Oublie Sarah. Plus rien, ni personne ne pourra aller à mon encontre dorénavant. D’ici quelques jours, l’antéchrist sera suffisamment puissant.

« L’Antéchrist ? NON ! Sarah ! »

Son rire tonitruant éclate encore plus fort. Mon cœur explose avec peine, compressé qu’il est dans le cocon funeste. J’ai l’impression que des larmes coulent sur mon visage. Ou n’est-ce que la froideur de son souffle qui m’effleure ?

« Oui, comme cela, Etienne, pleure. Pleure encore. »

Pleurer ? Le murmure que je distinguais tente de m’atteindre. Encore. Impérieux. Mais bienveillant,  il me semble. Ce n’est pas Sarah. Je ne ressens ni sa douceur, ni sa chaleur. Mon esprit, pourtant embrumé et sous contrainte, trouve la force de m’interroger. Qui me parle ? Comment essayer d’entrer en contact sans qu’il sache ?

-         Tu n’y arriveras pas. Il aurait fallu accepter tes pouvoirs pour réussir à entrer en contact avec elle. Tu es condamné, mon fils. Dans quelques jours, Il naîtra et tu ne pourras rien y faire.

Son rire me débecte. Je ne peux juste plus le supporter. Dans un sursaut de courage, je tente de me concentre. Condamné pour condamné, autant essayer de réagir.

« Etienne, continue comme ça. Pleure encore, n’arrête surtout pas. Et reste toi. »

La voix qui chuchote, que je n’entends qu’à peine se fait de plus en plus présente. Je ne sais qui c’est, mais je suis presque certain qu’il s’agit d’un homme. Qui donc pourrait avoir connaissance de la situation ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Quoi qu’il en soit, je m’attelle à ouvrir et fermer mes paupières rapidement pour stimuler la fabrication de larmes. Je ne sais pas à quoi cela me mène mais je veux faire confiance à cette voix qui me parvient. Mes larmes coulent. De moins en moins. Le souffle brûlant de mon père les sèche aussitôt. Mais je continue. Mes yeux sont la seule partie de mon corps qui reste mobile alors je persévère. Tentative vaine peut-être. Mais j’y crois. Je veux y croire. Satan a arrêté de rire. Je le sens virevolter autour de moi, comme un ventilateur.

Soudain, mes yeux se voilent. Un cercle de lumière qui m’éblouit mais me soulage quelque peu en même temps. Bleu transparent. Presque minéral. Cristal ? Diamant ?

-         Bordel, il ne va pas s’y mettre, celui-là !

Son hurlement me fait plaisir et me donne du courage. Même si je n’ai aucune espèce d’idée de ce qu’est cette lumière, ou qui c’est surtout, mais si c’est mon alliée, j’y puise un peu de force. Je m’y accroche.


* * *

Effarés par la voix masculine et péremptoire qui s’échappe des lèvres fines de Sarah, Danna et Daniel restent prostrés, assis à même le sol, en balbutiant des paroles incompréhensibles. Luc et Mathieu ont juste eu le temps de les empêcher de s’effondrer, en les retenant par les aisselles. Puis ils s’éloignent en parlant à voix basse.

-         Il faut contacter Etienne. C’est urgent.
-         Mais ? et Sarah… ?
-         Mickaël a pris possession de son corps, elle était sûrement sous l’emprise de Satan.

Un éclair bleu tournoie plus loin, à l’endroit où se trouvait la cabane encore quelques heures plus tôt.

-         C’est l’heure, Mathieu. Vite ! Je tente de contacter Etienne…

Il s’éloigne précipitamment, le visage sombre.




2 commentaires:

  1. Franchement... attendre pour lire enfin ce nouvel épisode... ça valait vraiment, vraiment le coup ! Wouahhh quel super moment ! avec une plongée supplémentaire dans la grande aventure, l'énigme est vraiment super. BRAVOOOOO !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Jean-Luc, fidèle lecteur, ça me fait plaisir. J'ai essayé de faire en sorte de soutenir le suspens, tout en commençant à faire en sorte d'arriver à la fin car il ne reste plus que 4 personnes après moi, je crois.

      Supprimer