Chapitre 4 – connexion.
Je recule, affolé, et manque de trébucher sur un.. Je ne sais
quoi.. Rouge comme la mort, cette gigantesque marre de sang
s'approche dangereusement de mes pieds. Un hurlement s'échappe de ma
bouche, contre ma volonté ; Comme si cela pouvait me protéger,
réflexe absurde, je me mets à fermer les yeux, à les serrer très
fort... C'est ce que je faisais lorsque j'étais enfant, persuadé
qu'un monstre répugnant allait surgir de sous mon lit. C'est
pathétique, comme réaction...
… Mais on dirait que cela fonctionne. Car enfin, il faut
l'admettre, rien ne se passe. Plus un son. La voix se tait. Le vent
ne souffle plus. La maison ne grince plus. Je n'ose faire le moindre
mouvement et, finalement, secondes après secondes, minutes après
minutes, ce silence devient plus angoissant encore que tout ce qui a
pu se passer dans cette bâtisse maudite.
N'y tenant plus, je rouvre les yeux et découvre, abasourdi, un
paysage atrocement laid et irréel. Le ciel est rouge, comme s'il
était teinté de sang, des sycomores malades me font face, les
mauvaises herbes à mes pieds sont jonchés de cadavres en
putréfaction. Au loin je devine une rivière, que je distingue à
peine.
—Tu es ici chez moi, me dit la voix désormais familière. C'est ici que tu m'as envoyé. Si tu refuses d'y mettre du tien, je vais te forcer à te souvenir, tu peux me croire !
—Tu es ici chez moi, me dit la voix désormais familière. C'est ici que tu m'as envoyé. Si tu refuses d'y mettre du tien, je vais te forcer à te souvenir, tu peux me croire !
Mon cœur bat de plus en plus vite. Pourquoi suis-je ici ? Tout
se mêle et s'entrechoque dans ma tête, alors que je devrais être
chez moi, tranquillement, avec celle que j'aime. Son souvenir
s'impose dans mon esprit, l'image de son visage devient palpable, et
pris de désespoir, alors que le besoin de ses bras se fait de plus
en plus impérieux, je hurle le nom de...
*
* *
ETIENNE !!! NON ! PAS PAR LÀ !
Je me réveille en pleine panique, l'image rémanente de mon aimé
dansant encore devant mes yeux. Je m'étais assoupie sur le canapé
en l'attendant, peut-être est-ce pour cela que j'ai rêvé de lui ?
Je pose les yeux sur la pendule qui me fait face, dans notre salon.
Il est 23H passé. Où es-tu ?
Qu'il ne soit pas rentré, sans penser à prévenir, ce ne serait pas
la première fois. Mon idiot adoré aime s'encanailler au bar avec
ses amis, après une journée difficile. Mais l'angoisse refuse de me
quitter. Car ce rêve funeste, alors même qu'il est absent... Je ne
crois pas aux coïncidences. Dans ma famille, on sait des choses. Les
rêves ne sont pas à prendre à la légère, Grand-Mère me l'a
appris. Un frisson me parcourt le dos. J'ai peur, j'ai vraiment peur
pour toi, mon amour...
Refusant de montrer au monde cette crainte ridicule, je fais mine
d'agir comme à l'accoutumée. Je prends un air agacé en décrochant
le téléphone, soupire, et compose le numéro de Gilles, son
meilleur ami. A mon grand soulagement, mais aussi à ma grande
surprise, il décroche presque instantanément.
—Allô ?
—Allô, Gilles ? C'est Sarah.
—Sarah... Je comptais t'appeler, justement... Étienne est
rentré ?
—Non, je.. Je t'appelais pour ça, justement. Il s'est passé
quelque chose ?
—…
—Gilles ?!
—Non non, rien, rien, on.. On buvait une bière à côté de la
Gare, et Jérémy et lui ont recommencés avec leur histoire de...
De cabane, tu sais ? Celle dans la vieille forêt..
A l'évocation de cette demeure sinistre, bien connue du voisinage
depuis des décennies, je ne peux réprimer cet accès de terreur qui
part de mes épaules et remonte le long de ma nuque.
—Il y est allé ?
—On y est tous allé, en fait... Enfin... On est tous parti pour y
aller, et on a fait les deux tiers du chemin, mais... La nuit
tombait, et ces superstitions débiles, tu sais...
—Mais... Qui a continué ? Qui est avec lui ?
—… Personne, Sarah... Personne. Étienne a continué seul.
A cet instant, je lâche le combiné et manque de défaillir.
Ce rêve ne peut pas être un hasard, j'en suis persuadé. J'essaie
de rester calme, de réfléchir avant de me jeter à corps perdu en
direction de l'homme que j'aime. Dois-je me préparer ? On doit
toujours se préparer, si l'on pense devoir faire face à des entités
maléfiques ou surnaturelles. Je l'ai appris dès l'âge de neuf ans.
Mais je n'ai rien d'autre à disposition, ici, que de quoi créer
quelques sorts de protections ou de chance mineurs. Rien qui ne
puisse être utile contre ce qui pourrait se terrer dans cette
maison.
Dois-je refréner mon désir de courir à la rescousse de mon adoré
tout de suite, dois-je demander conseil à Grand-Mère, d'abord ?
Non. Elle vit trop loin, maintenant. Je n'en ai pas le temps.
Alors je pars. Que faire d'autre ? J'enfile un manteau et court
en direction de la vieille forêt. Le moment venu, je saurais quoi
faire. J'en ai l'intime conviction. Le sang qui coule dans mes veines
est fort. Notre famille est ancienne. Et je ne laisserais personne,
pas même le Diable, m'enlever ma raison d'être.
Le cœur battant, les larmes aux coins des yeux, les contours de la
vieille cabane commencent à se dessiner devant moi. La pluie se met
à tomber, et plus j'avance, plus je comprends que je ne me suis pas
inquiétée pour rien. Je sens une présence. Forte. Amère. Je
perçois de la rancune, du ressentiment.
Et dors et déjà je sais... Qu'elle ne me laissera pas entrer
facilement...
Mais que s'est-il passé dans cette cabane enfin ???Pourquoi Etienne est-il seul là-bas, pourquoi sa conscience pèse autant sur ses épaules ? Pourquoi porte-t-il quelque part la responsabilité de l'absence de ses amis ? Pourquoi ces visions de sang, de paysage sinistre ?
RépondreSupprimerEt Yox qui en rajoute :-))